L'hérédité est-elle une énigme ?

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Un écrivain bien connu du Harper's Magazine disait dernièrement : « L'hérédité est une énigme ». Il ajoutait ensuite :

« Les individus de la race humaine sont liés entre eux par un enchevêtrement si curieux qu'il est presque impossible de déterminer les responsabilités. Nous essayons d'étudier ce problème dans nos asiles et nos prisons, et nous obtenons ainsi un grand nombre de faits intéressants, mais ils se contredisent trop pour pouvoir aider la justice. La difficulté consiste à enlever à une personne la responsabilité des fautes de ses ancêtres, sans lui enlever la responsabilité de ses propres fautes ».

Tel est le point de vue ordinaire. L'hérédité est une énigme et elle le restera tant que les lois de Karma et de la Réincarnation ne seront pas admises ni prises en considération dans toutes ces enquêtes. Presque tous ces écrivains admettent, sauf ceux qui disent ne pas savoir, le point de vue théologique que chaque être humain est une création nouvelle, une nouvelle âme projetée dans la vie sur cette terre.

 C'est tout à fait logique dans la mesure où ils affirment que nous sommes seulement mortels et non des esprits. Les investigateurs religieux admettent que nous sommes des esprits, mais ne vont pas plus loin, sauf pour adopter l'idée de la même création spéciale. Ainsi, lorsqu'ils abordent la question de « l'Hérédité » c'est très sérieux. Cela devient une énigme surtout pour ceux qui enquêtent sur l'hérédité et qui s'efforcent de décider sur qui la responsabilité doit retomber, alors qu'ils ne savent rien de Karma ou de la Réincarnation.

On suggère qu'il est nécessaire d'avoir une législation sur le sujet. En conséquence si nous avons le cas d'un meurtrier à examiner et constatant qu'il sort d'une race ou d'une famille de meurtriers, ce qui en fait un être qui ne peut s'empêcher de commettre des meurtres, nous devons conclure que ceci est dû à l'« hérédité » et il ne peut, en aucun cas, être tenu pour responsable. Prenez le cas des tribus, familles ou sectes de Thugs aux Indes dont le but consiste à faire passer les gens de vie à trépas. Leurs enfants hériteraient obligatoirement de cette tendance. Cela ressemble au chat et à l'oiseau. Il est dans la nature du chat de manger l'oiseau et vous ne pouvez l'en blâmer. Ainsi nous devrions être amenés à passer une loi faisant une exception pour le cas de telles personnes infortunées. Alors nous devrions envisager la possibilité de faux-témoignages cités au jugement du criminel tendant à montrer qu'il tombe sous le coup de la loi. Cette possibilité est si grande qu'il est improbable qu'une telle loi puisse jamais passer. De sorte que, si le monde juridique et scientifique était capable d'arriver à une conclusion quelconque reconnaissant la puissance de l'hérédité, les résultats seraient nuls, à moins que la vérité de Karma et de la Réincarnation soit admise. En l'absence de celle-ci aucune loi et, de ce fait, aucun remède pour la prétendue injustice infligée aux criminels irresponsables ne pourraient être appliqués. J'expose ici, non pas ce que je pense qui devrait être fait, mais ce qui serait la fin inévitable des recherches sur l'hérédité sans l'aide des deux autres grandes lois.

Si ces deux doctrines étaient acceptées par les soi-disant législateurs, il s'ensuivrait que jamais une loi telle que celle dont j'ai parlé ne serait passée pour la bonne raison que, une fois Karma et la Réincarnation admis, la responsabilité de chaque individu est considérée plus grande qu'auparavant. Il n'est pas seulement responsable de par ses tendances héréditaires, mais dans un sens plus large, du grand tort qu'il inflige à l'État par les effets futurs de sa vie, ces effets agissant sur ceux qui seront ses descendants.

Il n'y a pas de très grande énigme dans l'« Hérédité » en tant que loi du point de vue de Karma et de la Réincarnation quoique, bien entendu, les détails de son fonctionnement resteront compliqués et nombreux.

Je sais que certains Théosophes ont déclaré qu'ils sont troublés, mais c'est parce que cette idée est nouvelle, très différente de celle qu'on nous a inculquée au cours de notre jeunesse et dans nos rapports avec nos amis à l'âge adulte.

Un Théosophe ne devrait ignorer ni perdre de vue aucune des observations, aucun des faits admis concernant l'hérédité. Nous sommes forcés de reconnaître que les tendances et les particularités se transmettent de père en fils, et ainsi de suite, dans toute la lignée des descendants. Dans un cas, c'est un trait mental qui est transmis, dans un autre cas, c'est une particularité physique, et nous retrouvons souvent reproduites dans un arrière-petit-fils, les habitudes physiques de son ancêtre éloigné.

On se pose alors la question : « Comment puis-je être rendu responsable de telles tendances étranges alors que je n'ai jamais connu cet homme de qui je les hérite ? ». II est impossible de répondre à cette question selon les théories actuelles. Car si je viens du sein de Dieu en tant qu'âme nouvelle, ou si ce qui est appelé âme ou intelligence est le produit de ce corps que j'habite et à la formation duquel je n'ai pas participé, ou encore si je viens de sphères beaucoup plus éloignées sans relation avec cette terre pour prendre ce corps dont la génération ne me concernait pas, ce serait la plus grande injustice pour moi d'être tenu pour responsable de ce qu'il peut faire. Il me semble, d'après les prémisses énoncées, qu'il n'y a pas moyen d'échapper à cette conclusion, et à moins que nos sociologues et économistes politiques et législateurs n'admettent les lois de Karma et de Réincarnation, ils devront faire passer les lois dont j'ai parlé. Nous aurons alors un code de lois qui pourra s'intituler : « Des limitations de la responsabilité des criminels en cas de meurtres ou d'autres crimes ».

Mais toute la difficulté provient de l'habitude héritée et transmise dans la mentalité occidentale de considérer les effets et de les prendre pour les causes et de considérer les instruments ou les moyens par lesquels les lois de la nature agissent comme des causes. On a envisagé l'hérédité, ou on commence à le faire, comme étant la cause du crime ou de la vertu. Elle n'est pas une cause mais le moyen ou l'instrument pour produire l'effet, la cause étant cachée plus profondément. Il paraît tout autant erroné d'appeler l'hérédité une cause d'actes bons ou mauvais, que d'appeler le simple cerveau mortel ou le corps la cause du mental ou de l'âme.

Il y a des âges, les sages hindous admettaient que le corps n'était pas l'origine du mental, mais qu'il existait ce qu'ils appelaient « le mental du mental », ou comme nous pourrions l'exprimer « l'intelligence opérant au-dessus et derrière la matière cérébrale ». Et ils renforçaient leur thèse par un grand nombre d'exemples, à savoir que l'œil ne pouvait voir alors même qu'il fonctionnait parfaitement, à moins que le mental qui est derrière lui n'agisse. Nous pouvons aisément prouver ceci par l'exemple des somnambules. Ils marchent les yeux grands ouverts ; la rétine doit donc recevoir l'image visuelle comme d'ordinaire, et cependant, ils ne vous voient pas, lorsque vous êtes devant eux. C'est parce que l'intelligence est dissociée de l'organe optique pourtant parfait. Nous admettons donc que le corps n'est pas la cause du mental, que les yeux ne sont pas la cause de la vue, mais que le corps et l'œil sont les instruments par lesquels la cause opère.

Karma et Réincarnation impliquent l'idée que l'homme est une entité spirituelle qui emploie le corps dans un certain but.

Depuis des temps immémoriaux, les sages affirment qu'il (l'être spirituel) fait usage du corps qu'il a acquis par Karma. De ce fait, la responsabilité ne peut être imputée au corps, ni en premier lieu à ceux qui procréèrent ce corps, mais à l'homme, lui-même. Ceci exprime parfaitement la justice, car tandis qu'un homme dans un corps quelconque doit souffrir ce qu'il mérite, les autres hommes (ou âmes) qui ont produit de tels corps sont également obligés de faire une compensation dans d'autres corps.

Puisque la compensation n'est pas faite vis-à-vis d'un quelconque tribunal humain et imparfait, mais par la nature elle-même qui en contient tous les aspects, il s'agit du rétablissement de l'harmonie ou de l'équilibre rompu.

La nécessité de reconnaître la loi, du point de vue de l'éthique, vient du fait que, à moins d'être conscients que telle est la loi, nous ne commencerons jamais à accomplir des actes ou à avoir des pensées tels qu'ils tendront à provoquer dans la lumière astrale les modifications requises, nécessaires pour mettre en route un nouvel ordre de pensées et d'influences. Ces influences nouvelles, bien sûr, n'arriveront pas à leur plein effet et ne retomberont pas sur ceux qui les ont générées mais elles agiront sur leurs descendants et prépareront aussi un âge nouveau à venir auquel prendront part ces mêmes personnes qui ont créé le courant nouveau. Ce n'est donc, en aucune façon, un travail stérile et sans récompense, car nous reviendrons nous-mêmes dans un âge ultérieur cueillir les fruits de ce que nous avons semé. L'impulsion doit être donnée et nous devons savoir attendre le résultat. La roue du potier continue à tourner après qu'il a retiré son pied, ainsi la roue qui tourne devra poursuivre son mouvement jusqu'à ce que l'impulsion soit épuisée.

 Extrait du cahier théosophique n° 96 - © Textes Théosophiques