Au mois de décembre, il arriva à Bénarès où il espérait faire son dernier pèlerinage. Tout ce que je peux déchiffrer de ce curieux manuscrit, écrit dans un mélange de tamil – la langue du Sud de l'Inde – et de marathe qui, comme vous le savez, est entièrement différent, prouve que ce Chéla avait fait de nombreux pèlerinages aux lieux sacrés de l'Inde, que ce soit par simple impulsion, ou sur ordre direct, je l'ignore.
S'il s'était agi simplement d'un Hindou ayant des préoccupations religieuses, nous aurions pu en tirer la conclusion qu'il avait accompli ces pèlerinages afin de gagner certains mérites, mais comme il avait dû s'élever depuis longtemps au-dessus des chaînes fleuries, même des Védas, nous ne pouvons vraiment pas dire quel fut le but de ces voyages. Bien que, comme vous le savez, il y ait longtemps que je sois en possession de ces documents, le temps n'avait pas semblé, jusqu'à ce jour, propice à leur révélation. Quand je les reçus, il avait déjà quitté depuis longtemps notre monde actif pour un autre bien plus actif encore et, maintenant, je vous donne la permission de publier ce récit fragmentaire, sans la description de son auteur. Ces gens n'aiment pas, comme vous le savez, qu'on répande n'importe où des descriptions détaillées d'eux-mêmes. Étant de vrais disciples, ils ne tiennent pas à dire qu'ils le sont – ce en quoi ils diffèrent complètement de ces professeurs renommés de science occulte qui, à bon escient ou non, proclament du haut des toits leur prétendue qualité de Chéla.
« Deux fois déjà, j'ai vu ces temples silencieux dressés au bord des flots tumultueux du Gange sacré. Ils n'ont pas changé, mais en moi quels changements ! Et pourtant, cela n'est pas exact, car le Je ne change pas, seul le voile extérieur qui l'enveloppe se déchire ou au contraire s'enroule d'une manière plus étroite et plus épaisse, pour nous cacher la réalité...